La danse des Quantos

La danse des Quantos
La ronde éternelle (illustration Midjourney)

J’ai fait escale sur l’Abram. Presque un laps. Mais aujourd’hui je repars.

C’est exaltant.

J’ai une mission, un objectif bien précis.

C’est le Naviguant qui m’envoie voir ce qu’il se passe là-bas, tout au bout du plus long Méridien de µ32, le Méridien de l’Escalade qui s’entortille autour du bras de l’amas Morente. L’Intelligence exploratrice Agena d’alias Piquée Petite, y a découvert il y a plus d’un retour déjà (trois laps) une race sapiens remarquable qu’elle a nommé les Quantos. Ils vivent répartis sur neuf planètes regroupées dans autant de systèmes du secteur Morente.

Sur les neuf planètes ils n’en occupent véritablement que huit. Régulièrement, à peu près tous les neuf cycles durs (900 laps), l’ensemble des populations des huit planètes habitées se lance dans une grande migration. Les Quantos s’échangent leurs planètes. Ils abandonnent toutes les structures, réalisations, richesses et même la plupart de leurs affaires personnelles. Ce grand déménagement à l’échelle planétaire est ultra organisé. Un ministère est tout entier dédié à la planification de cette gigantesque transhumance civilisationnelle. Chacun sait d’avance où il va, où il habitera, qu’elle sera sa place sur sa nouvelle planète.

Les générations concernées par cet exode sont nommées les Résurgentes.

Une autre administration présente sur toutes les planètes est l’Agonia. Elle a pour vocation de conserver les connaissances des différents peuples qui se sont succédé sur son sol au sein d’une encyclopédie permanente.

Ainsi, lorsque les nouveaux résidents s’installent, ils bénéficient de tous les savoirs de leurs prédécesseurs.

Sauf ceux qui arrivent sur la planète vierge.

Car, comme nous l’avons vu, à chaque rotation, une des neuf planètes est abandonnée, laissée totalement en friche. Même l’Agonia y est fermée et ses archives abandonnées. En neuf cycles durs, la nature va reprendre ses droits et la présence des Quantos ne subsistera qu’au travers de quelques vestiges archéologiques. Et lorsqu’à nouveau elle sera habitée la génération des Résurgentes qui s’y installera devra tout reconstruire, tout réinventer, ne pouvant pour le coup, compter que sur leurs propres connaissances et les quelques biens qu’ils ont pu emporter sur leurs vaisseaux d’Alcubierre. Cet incroyable brassage de culture a permis à la société Quantos d’atteindre des sommets de richesses, de savoirs, de connaissances sans pareil au sein de notre galaxie.

Chacune des huit sociétés qui composent le peuple Quantos a ses spécificités. Elles les ont gardés de leur planète d’origine, lorsqu’elles cohabitaient toutes sur Quant, reparties sur les neuf continents de cette planète Zem. Des cultures spécifiques s’y sont développées et ont perduré bien après qu’elles se soient dispersées sur les étoiles voisines avant de se regrouper de nouveau pour réaliser cet étrange projet de peuples nomades héritant et léguant, à chaque migration, réalisations et savoirs. Lorsque les Quantos s’installent sur leur nouvelle ancienne planète, ils font la fête pendant un laps en honorant chaque parcelle de connaissance que leurs frères locataire précédent ont laissée et mis à leur disposition. Avec leurs spécificités ils pourront s’approprier ce savoir et l’enrichir de leurs différences, de leur propre vision du normal.

Nous avons pris contact avec les Quantos depuis bien neuf cycles tonnés et je crois savoir qu’ils sont en pourparlers avec le Naviguent pour nous accueillir au sein d’une dixième planète qui pourrait être une nouvelle colonie de l’Abram. Ceux d’entre nous qui décideraient de s’y installer prendraient place dans la ronde des Quantos, le grand peuple migrateur.

Les Quantos ont cette chanson que j’aime bien et qui pourrait être traduite ainsi :

« Va, voyage, habite et repars

Né, grandit, construit et laisse là

Prends, regarde, transforme et donne

Nous sommes ici pour aujourd’hui

Ma maison est prête, c’est la tienne

Tu peux t’y installer

Nous y avons été heureux

Par elle, regarde-nous

Loin déjà nous y sommes

Un peu de toi nous avons trouvé

Ainsi passe les enfants de nos enfants »

Les Quantos ont grandi comme une civilisation plus conventionnelle que ce que leur organisation actuelle pourrait laisser penser. Ils se sont développés sur Quant, leur planète mère, au travers d’une histoire bien chaotique comme aiment à en connaître les sociétés Bio / Animal / Vertébré / Tétrapode. Après maintes péripéties ils ont pu accéder au voyage spatial et essaimer sur les planètes adaptées les plus proches. Les biomes spécifiques de chaque monde imprimèrent leur marque et les colonies acquirent chacune leurs caractères et traditions propres.

Ainsi se développa, bon an, mal an, la civilisation des Quantos et il aurait pu en être ainsi pendant des pépicycles et des pépicycles si une catastrophe n’était pas venue bouleverser cette histoire un brin conventionnelle. Sur Brin justement, la troisième planète des Quantos dans l’ordre de leur découverte, la nature dotée d’une arme de défense inédite se mit en veille pour contrecarrer l’invasion de ces nouveaux venus. Elle s’enkysta, se replia dans les abysses, les grottes, les sommets hors de portée des Quantos toujours plus nombreux. Le printemps ne succéda plus à l’hiver, les animaux n’enfantèrent plus que dans lieux reculés accessibles à eux seuls. Ces forteresses naturelles étaient farouchement défendues par un ensemble de mécanismes biologiques tout entier dévolu à l’extermination des Quantos qui auraient voulu y pénétrer. Privés de nourriture, de la plupart des ressources naturelles, en proie à de nombreuses épidémies, nos pauvres explorateurs, enfin ce qu’il en restait, décidèrent, contraints et forcés, de fuir Brin pour rejoindre l’autre planète la plus proche et nouvellement colonisée par leur frère. On pourrait supposer qu’un tel afflux de migrants, tous dans un piteux état, aurait posé un sérieux problème aux Quantos déjà installés mais il n’en fut rien. Comme à leur habitude ils en tirèrent le meilleur parti et leur société ne s’en développa que plus vite.

Quelques pépicycles plus tard, victimes de leur succès, ils durent faire face à un nouveau problème conséquent : une surpopulation galopante.

Les neuf planètes Quantos

  • Brin (de types Plûm à Uchré)
  • Axül (type Rech)
  • Nalamano (type Zem)
  • Oxitore (type Zem)
  • Cehelem (type Alba)
  • Grönlan (type Rech)
  • Mongo (type Zem)
  • Inden (type Rech)
  • Lanka (type Alba)

Face à ce nouveau problème et fidèle à leur habitude les Quantos, toujours pragmatiques, migrèrent pour la plupart vers la planète suivante la plus proche. C’est ainsi que s’enchaînèrent, pour de multiples raisons, de grands mouvements de population entraînant toujours plus de Quantos de l’une de leur planète à une autre.

Un corps spécial de leur flotte spatiale fut créé pour transporter des populations entières d’astre en astre et peu à peu cet étrange ballet des mondes s’organisa, se régularisa jusqu’à ce qu’un texte vînt orchestrer autour de trois lois simples cette grande migration des peuples. On pourrait simplifier cette espèce de constitution du voyage par ces trois injonctions :

Neuf cents laps correspondent au cycle naturel de Brin qui se reproduit régulièrement. Les Quantos s’y installent et progressivement la planète va développer ses défenses pour rejeter l’occupant jusqu’à redevenir un monde invivable de type Uchré. Alors les Quantos s’en vont et ne reviendront que neuf cents laps plus tard. Temps nécessaire pour que Brin redevienne une planète accueillante de type Plûm.

L’Almanach de Brin

Je vous encourage à visiter les mondes des Quantos. Vous y découvrirez une civilisation accueillante pour peu que vous soyez respectueux de leur culture. Ayez en tête leur mentat favoris : « Ana Zal buk, unra belûd, uni terre, délimiter noksa » qui traduit nous dit :  » Sentinelle de ma demeure, n’ait jamais la crainte de perdre ce que tu ne peux retenir »

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