Ah, notre flamboyante société. L’évolution personnifiée. L’élévation de la conscience à un sommet sans cesse dépassé.
Et, somme toute, si peu de sagesse.
Il persiste, quelque part sur l’Abram, la représentation d’un des nombreux restes de médiocrité tout impériale. Et comme presque toujours dans ces situations affligeantes, ces reliquats de déchéance nous viennent des… Humains. Évidemment.
Oui, certes, notre imagination, notre résilience, notre ingéniosité, notre Complexe C omni spirituel, notre empathie… Et nos tares indécrottables qui feront toujours de nous l’une des pires races de l’histoire des espaces confondus.
Comment avons-nous pu créer l’Empire. Je crois que personne ici-bas, Bios comme Intelligences, ne pourrait répondre à cette question. Rendons grâce à Solune… Sans doute.
Enfin. La mégalomanie, l’égocentrisme et le narcissisme sont des signatures que l’humanité préserve jalousement comme de honteux trésors. Et il faut bien que tout cela s’exprime parfois. Quand nous ne pouvons plus nous contenir cela donne par exemple : la Promenade Statuaire. Une allée que vous pouvez trouver dissimulée dans les replis d’un ouvrage de fortification des ourlets de déviation des tuyères orientales de la cinquième nappe. C’est une voie en pente douce qui forme un demi-cercle d’environ 200 mètres. Sur l’un des bords légèrement surélevé des statues d’attachés ou de colons sont disposés tous les 10 mètres. Tous humains. Tous vivants. L’endroit est charmant par ailleurs. Arboré, baigné d’une douce lumière scintillant au travers des frondaisons et sur la surface du lac bordé par ce chemin.
On doit l’idée au Robustus des argentiers du Lore (tiens, tiens…) Alagorphe Pointdurée d’alias Dessus de l’En-dessous. Adepte de la Pensée Sommaire et plus particulièrement d’une petite Sphère rigoriste du nom d’AltaHominum (on y vient) qui prône ni plus ni moins que l’ascendance des humains sur l’ensemble des Bio et Métal. Rien que cela. Oui, nous n’avions pas vu une telle perversion de Pensée depuis des lustres. C’est étonnant que les partisans de ce courant populiste aient survécu à l’avènement de Solune. Mais plus étonnant encore est qu’ils aient réussi à convaincre l’Abram d’accepter leur projet d’édification de ces vingt statues en ronde-bosse à l’allure tout hellénique.
Quel est le plan ? Quel est l’objectif de notre naviguant ? Ce projet ne peut que perturber la paix des attachés et de l’ensemble des sociétés de nos Méridiens.
Il faut les voir se rassembler dans un entre-soi glacial à contempler leurs représentations honorifiques. Que se passera-t-il lorsque des partisans de Sphères opposées viendront occuper cet espace. Allons-nous assister à ce que jamais, au grand jamais, un Traceur fut spectateur : des émeutes, des affrontements, des combats au sein même du vaisseau ?
Il est fort probable (et ce ne serait pas la première fois que l’Abram agit de la sorte) que la volonté de notre navigant soit de nous alerter sur la survivance de ce danger toujours présent. Celui de la nature inhérente des humains : l’appel du néant, l’attraction morbide de la fin des sens, la volonté confuse de faire disparaître le C du complexe humain. Oui, c’est cela que ces statues veulent dire. Et c’est cela que notre Traceur combat en les exhibant à notre vue à tous.