Katria rassembla ses idées en attendant que Servant 4 ait fini d’initialiser son corps virtuel là-bas dans son complexe personnel puis elle l’investit. Un large sourire se dessina sur son visage alors que, assise sur le rebord d’un long canapé sinueux, elle observait ses doigts de pied pianotant sur le sol de plastacié.
Pour toute réponse à l’attente de Katria deux sphères huileuses furent libérées de l’abdomen du robot gestalt et chutèrent sur le sol. Au terme de leur premier rebond elles avaient revêtu l’apparence de deux silhouettes humaines à la peau totalement lisse, brillante et noire. L’une dotée de bras démesurés sauta les dix mètres qui la séparaient de Katria et se figea près d’elle, à quatre pattes, en une posture de chien méfiant. L’autre dont chaque pas faisait naître des ondes frémissantes à la surface de son corps liquide s’avança vers une protubérance du sol en forme de demi-sphère. Katria caressa affectueusement le crâne de Lola, le cyber démon femelle, ses doigts inconsistants se recouvrirent d’une fine pellicule d’eau sucrée.
Lola et Orlac, le mâle, étaient avec Katria les seules entités vivantes du Pan’fa. Les seules exceptions faites des cent vingt-trois colons qui à trois mille mètres sous eux entamaient leurs douze mille six cent soixante-quinzièmes jours de songe.
Lorsqu’une partie de la sphère disparut laissant apparaître dix plots de Transportation le Pan’fa hérissa toutes ses antennes, déploya nombre de ses paraboles, activa tous ses senseurs IRUV internes et externes. Il n’y eut plus une poussière dans l’atmosphère du vaisseau que Katria n’ignora. Ses cœurs internes battirent plus rapidement. Elle était souvent venue dans la Pater pendant l’installation des colons et elle connaissait ce lieu du Pan’fa aussi bien que n’importe quel autre, même si c’était le seul de son corps qu’elle n’avait pas loisir de parcourir sans autorisation externe. Mais aujourd’hui c’était différent. Désormais elle serait seule à veiller sur eux, il n’y avait plus que les servants pour la conseiller dans cette si lourde tâche. En elle montait un sentiment contradictoire d’amour et de peur. Elle pouvait sentir tout son corps palpiter autour de ces 12 675 vies et mesurait pleinement les forces colossales qui lui avaient été données pour assurer leur sécurité. Mais ces mêmes forces n’étaient-elles pas aussi celles qui pouvaient les exposer tous aux dangers d’un monstre un peu trop affectueux ?
Il y avait tant de paramètres à prendre en compte, tant de sentiments encore si mal maîtrisés.