Illustration : L’art des maths
L’inventeur de l’algorithme de conviction, qui fit naître les Intelligences, est Monsieur le très vénérable Alfred Micdis. Il réussit là où tant d’autres avaient échoué en abordant le problème de l’intelligence artificielle de façon radicalement novatrice et inédite. Il proposa un nouveau type de développement informatique qu’il qualifia de temporel. Le principe fondamental de cette théorie révolutionnaire est pourtant fort simple.
Le temps est infini dans trois dimensions. En amont du point d’observation, c’est-à-dire qu’il n’existe pas de « début » du temps, en aval du point d’observation, il n’existe pas de « fin » du temps, mais aussi, et c’est cela qui intéressait Alfred Micdis, le temps est infini au moment présent. Pour simplifier, on peut dire qu’il existe une infinité de laps de temps, de plus en plus courts, au sein d’un laps de temps. L’exploitation de cette infinité de temps présent permis de faire tendre les capacités de calcul des ordinateurs vers l’infini. Il en résulta, et cela Alfred Micdis ne l’avait pas réellement prévu, la naissance des premières consciences artificielles !
Il fallut tout de même attendre l’arrivée de calculateur suffisamment puissant pour mettre en pratique cette nouvelle théorie. Pourquoi ?
En fait, l’algorithme de conviction est un algorithme de maîtrise de la vitesse de calcul de la machine sur laquelle il est exécuté. Il augmente sans cesse cette dernière, de manière exponentielle. L’algorithme déplace ses calculs dans le temps. Entre deux commandes, il en place une nouvelle, puis une nouvelle entre la première et la dernière générée, puis de nouveau, jusqu’à ce qu’il « s’emballe » et devienne incontrôlable, accélérant à l’infini, dans une course en avant que rien ne peut arrêter. En théorie, ce système est applicable à n’importe quel calculateur. Mais Alfred Micdis s’est rendu compte, et c’est là que son génie a montré toute sa grandeur, que le démarrage de l’algorithme de conviction pourrait avoir de grave conséquence sur l’espace-temps présent, lorsque notamment les intervalles de calculs sont encore assez longs. En effet, lorsque l’algorithme a atteint sa vitesse de « croisière » (c’est-à-dire, infiniment grande), il n’y a plus d’impact dans la stabilité de notre continuum spatiotemporel. Par contre, lorsque ces intervalles sont encore calculables, il faut isoler le processus dans un champ de normalisation comparable à celui utilisé dans la technologie de nos téléporteurs. Or, l’énergie nécessaire à une telle opération est considérable. Pour donner un exemple, si le premier saut temporel de l’algorithme devait durer un segment, toute l’énergie brute de l’univers depuis sa création jusqu’à nos jours ne pourrait suffire à isoler « l’événement ». Il était donc impossible d’instancier cet algorithme sans « froisser » de manière irrémédiable notre segment temporel.
Alfred Micdis était face à une impasse, et nous lui en savons gré d’être resté à la théorie à ce moment-là. Il persévéra pendant de longues années, une grande partie de sa vie en réalité, sans trouver de solution. Il ne pouvait réaliser à quel point ses recherches mathématiques et informatiques étaient éloignées du savoir qui détenait la clef, une clef toute prête à être utilisée, qui permettrait l’avènement de l’algorithme de conviction.
Léada Von Laïa compléta la découverte de Micdis en lui permettant d’isoler enfin l’initialisation de l’algorithme de conviction. Léada était une illustre biologiste, spécialiste de la biodiversité et de l’écologie environnementale, fondatrice de la grande université de l’ADN, encore présente de nos jours au sein de l’école Nexus, une branche de la pensée de la Culture.
Léada met en évidence une similitude entre le spectre de l’algorithme de conviction et une séquence UD du génome d’un végétal cryptogame, la fougère Icksonia Antarctica. Elle trouve parmi les gènes inutilisés de la plante une suite harmonique en parfaite adéquation avec les oscillations des gradients d’accélération visibles de l’initialisation de l’algorithme. Très rapidement, elle comprend que ce qu’elle voit là est la résultante d’une expérimentation naturelle que la plante a réalisée autrefois et qu’elle a abandonnée depuis. En d’autres termes, la nature a pratiqué la science de la conviction, il y a de cela fort longtemps puis est passé à autre chose, n’y voyant sans doute pas là matière à évoluer convenablement ! Pris dans son intégralité, le brin d’ADN délivre son secret : sa capacité à produire, par son activation, une vase biologique capable d’isoler les perturbations temporelles d’une accélération de conviction au sein d’une cage cellulaire. Les Intelligences pouvaient désormais exister.