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Ala Humani - 4 | Les Traceurs de Méridiens
Ala Humani 4

Ala Humani – 4

Illustration : Inga Nielsen

Intéressons-nous maintenant à Xochi et nous verrons se dessiner le lien logique qui unit nos trois planètes.

Il fait froid sur Xochi, très froid. Si Xochi avait pris la place de Taloc, c’eût été une magnifique planète océan. Une planète peuplée d’une multitude d’animaux aquatiques qui auraient parcouru sa mer unique. Mais son éloignement du soleil en a fait un enfer glacé.

La vie est féroce, tenace, résiliente dans le système Atabiote. Elle a su trouver des voies détournées pour apparaître et évoluer. Rappelons ici que l’ensemble de la surface de Xochi est un immense océan gelé. Seule une mince bande située sur l’équateur fond sous l’effet des rayons du soleil. Et encore, la glace a tendance à se refermer sur la face opposée au soleil et forme une bouillie glacée impropre au développement d’organismes évolués.

Les Xochiens sont nomades. Ils voyagent sans cesse, se déplacent pour rester dans cette petite portion d’océan qui migre depuis la nuit des temps tout autour de la planète.

Cet océan migrateur, les Xochiens le nomme le Labi que nous pourrons traduire par l’œil qui surveille. Cet œil surveille le soleil pour que celui-ci soit toujours bien à sa place et respecte la régularité vitale de ses cycles. Les changements climatiques sont fatals pour les Xochiens. Une diminution d’un demi-degré F correspond pour eux à une réduction de la moitié de leur territoire. Un degré F et c’en est fini de cette leur civilisation. Heureusement le système planétaire de Xochi et d’une surprenante stabilité. Dotée d’une géologie quasi inerte, d’un climat constant, d’une activité tectonique très discrète, Xochi semble à l’instar de son océan figée, endormie, en hibernation prolongée. Les Xochiens n’ont jamais fait qu’un. Ils sont tous apparus au même endroit, au sein des courants « chauds » du Labi, ont évolué en un seul groupe, une seule tribu, une seule société. On compte approximativement 30 mille individus. Oui si peu. On prend alors conscience de l’infinie fragilité de cette civilisation. Ils forment un grand clan qui parcourt inlassablement leur océan dont la superficie alterne entre 600 000 K2 et 1 600 000 K2.

Leur anatomie est assez proche des mammifères marins que l’on peut trouver sur la planète aquatique impériale Hidra. Ils mesurent entre 1 mètre et demi à 2 mètres et demi. Ils possèdent un long rostre, deux ailerons, une large nageoire caudale plate et fourchue. Deux nageoires supplémentaires sont situées sur le haut de leur dos et peuvent se rabattre sur leur tête. Les Xochiens ont un système pulmonaire complexe avec une respiration en partie aérienne. Ils portent également trois paires de branchies. La paire de branchies située à la base de leur cou abrite des glandes produisant un mucus qui à l’aide de leurs nageoires dorsales peut emprisonner une bulle d’air capable de recouvrir leurs yeux. Réapprovisionnée en oxygène par leurs branchies la bulle peut ainsi être conservée plusieurs heures. Les Xochiens peuvent même la remplir de fumée colorée qu’ils exhalent par l’event respiratoire qu’ils ont au sommet du crâne. Nous ne connaissons pas encore l’utilité de ce comportement.

Leur organisme est capable de supporter des pressions phénoménales. Ils sont capables de descendre à des profondeurs de plus d’un K.

L’océan des Xochiens ne dépasse que rarement cette profondeur. Notons ici que la forme du Labi est une cuvette. La calotte glaciaire est posée sur le fond marin. Néanmoins il existe trois fosses océaniques sur le parcours du Labi. Lorsqu’ils deviennent accessibles, les Xochiens ne manquent jamais d’y envoyer des expéditions d’exploration. Ils s’associent pour descendre dans ces abysses, à une créature des profondeurs comparable à une baudruche, un large sac qui, lorsque la croûte de glace obstruant la fosse disparaît, se remplit d’air. La créature remonte alors à la surface profitant du voyage pour faire le plein de plancton puis redescendant et ainsi de suite tant que le passage reste ouvert. Les Xochiens élisent momentanément domicile au sein de ces animaux profitant de ces ascenseurs naturels qui les protègent, dans une certaine mesure, des hautes pressions. Les Xochiens n’ont développé aucune technologie, aucun outil. Ils ont à l’opposé exploré comme personne les sciences sociales, la philosophie, la psychologie, les arts du récit, l’oralité, la théologie, la linguistique etc.

Les Xochiens ne font d’ailleurs presque rien d’autre que nager, manger et parler. Ils discutent sans cesse. Même pendant leur phase de sommeil, une partie de leur cerveau reste consciente et continue d’échanger d’une manière ou d’une autre. Ils parlent de tout, tout le temps. Imaginez une assemblée de trente mille individus qui bavardent à l’infini, échangent, se contredisent, défendent leurs convictions, partagent leurs études, leurs idées, argumentent, racontent, écoutent, vivent et vibrent parfois à l’unisson à l’occasion d’un récit, d’une histoire, d’une anecdote. Il n’y a pas de conflit autre que verbal chez les Xochiens. Et les conséquences de ces confrontations sont toujours limitées. La punition trop sévère nuirait à l’échange, à la conversation. La peine la plus lourde qui puisse être prononcée et l’obligation de silence pour le coupable. Et la durée de cette abstinence verbale ne peut guère dépasser quelques rondes. Ce qui reste cependant une douloureuse expérience pour un Xochien.

Nous pourrions dire pour conclure cette brève description de cette merveilleuse société que les Xochiens sont des êtres profondément joyeux, optimistes, humanistes, philosophes, accueillant et drôles. Et ce malgré un environnement hostile et une nature implacable. Lorsque les Xochiens voyagent sur Cayola ou Taloc, ils sont toujours attendus avec impatience. Ce ne sont alors que réjouissances, fêtes, spectacles, échanges fraternels et promesses affectueuses.

Les Xochiens sont l’Ԑ vitale des Atabiotes.

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