Illustration : auteur inconnu
Des limites de notre capacité à comprendre
La démarche scientifique dans la société impériale adopte une organisation originale. Dans la plupart des domaines de recherches, les connaissances approfondies que nous avons développées sont devenues depuis longtemps trop complexes pour qu’un seul individu puisse les maîtriser dans leur ensemble. Un esprit Bio ne peut plus appréhender qu’une partie réduite des grandes règles qui régissent notre univers. Au fur et à mesure que nous comprenions, nous perdions notre vision globale.
Attention, je ne parle ici que de l’approche Bio des sciences. Les Intelligences, bien que confrontées aux mêmes contraintes, bénéficient par leur algorithme de Conviction d’un potentiel d’analyse et d’assimilation bien plus important que n’importe quel cerveau Bio, aussi savant soit-il. Mais les Bio restent néanmoins indispensables dans toutes démarches scientifiques pour leur intuition, leur sensibilité exacerbée, leur capacité à créer l’inattendue et l’imagination qui peut parfois faire défaut à nos sœurs et frères Métal.
Comme je vous le disais, les capacités mentales des Bio sont limitées et il a fallu que nous nous organisions pour poursuivre notre étude du monde sous peine de piétiner pour finir par régresser et disparaître comme le font les civilisations qui cessent d’être portées par leur curiosité et leur soif de savoir. Il a donc été nécessaire, en plus du regroupement traditionnel des connaissances, de procéder par couches d’études successives.
Division des sciences en fonction des régions distinctes de la Téalité
NB : on oppose ici la Réalité, notre monde tangent Solunien, à toutes les autres réalités selon l’acte 3 de séparation des réalités cosmiques.
Principales familles de la Réalité
- La science du Compensum
- La science du Paralexe
- La science du Mutex
- La science Néologique
- La science du Quandrium.
L’arbre précédent schématise la hiérarchie des principales disciplines scientifiques de la Téalité. Toutes sont décomposées en couches nommées Liants. Ces strates de savoir partent du plus près de la matière étudiée et s’en éloignent en interprétant le Liant précédent dans un langage de plus en plus naturel.
Si les Liants supérieurs (les plus éloignés de l’objet d’étude) sont compréhensibles par le commun des mortels, ils perdent en « définition » ce qu’ils ont gagné en accessibilité. Ils ne sont plus exhaustifs, ils appliquent des filtres de compréhension et empruntent des règles de lecture communes à plusieurs sciences pour pouvoir décrire la complexité au-delà de l’exprimable. Si des questions naissent dans un Liant supérieur, il faut alors les traduire pour le Liant inférieur qui passera le relais jusqu’au Liant porteur des réponses. Les échanges d’informations entre Liants se font via des interpréteurs, des scientifiques maîtrisant le langage de deux Liants consécutifs.
Comment font les Liants inférieurs puisqu’a priori leur rôle est d’avoir une compréhension globale, ce que nous avons décrit précédemment comme impossible. Les scientifiques des Liants inférieures ressentent mais n’interprètent ni ne comprennent la réalité de leur étude.
Ils perçoivent et expriment des intuitions. Ces sentiments sont traduits en verbe par les interpréteurs des Liants supérieurs.
Ces chercheurs des couches originelles du savoir sont des êtres à part. À part parce que leur sensibilité du réel n’a pas d’égale et à part également car s’ils comprennent le monde, s’ils sont capables de le percevoir, ils sont en revanche incapables de communiquer leur vision à leurs semblables.
Certaines sciences nécessitent plus de Liants que d’autres. La science du Compensum, qui peut être considérée comme le pilier central de toutes les autres sciences, possède quatre Liants. Mais son plus haut Liant reste un Liant profond très peu interprété. Il faut dix-huit Liants supplémentaires en science mathématique pour que le commun des mortelles puisse commencer à appréhender un début de théorie et encore dut-il être un des esprits les plus brillants de notre empire.
Je vous laisse imaginer quel type d’individus étudie le premier Liant des sciences du Compensum. Il en existe peu. Ce collège pour le moins fermé accueille un maximum de deux trois scientifiques, chacun formant à son tour un apprenti qui pourra intégrer le premier ou le second Liant lorsqu’une place se libère. Les scientifiques de ce niveau ne font que rarement des découvertes notables. Mais lorsqu’ils le font, alors c’est toute notre société qui s’en trouve bouleversée.
Les scrutateurs
Les scrutateurs, les observateurs, les dormeurs (ceux qui doivent se réveiller), les myopes, les béats, les naïfs. Tels sont les quelques noms employés pour appeler les scientifiques des Liants inférieurs.
Ils n’appartiennent pas à une Pensée en particulier. Néanmoins la Pensée de la Culture et la Pensée Forte sont largement représentées au sein de cette communauté. De toutes les fonctions qu’un citoyen peut endosser, celui de scientifique des premiers Liants est certainement la plus complexe et la plus longue à acquérir. Lorsque l’on devient scrutateur (employons ce terme qui me semble personnellement bien adapté) on le reste souvent toute son existence. Et rappelez-vous, rare est celui parmi nous à conserver longtemps une spécialisation, une même activité, un même métier. Mais comme on ne parvient généralement jamais à maîtriser totalement tous les talents nécessaires au bon exercice de cette profession, si tant est que l’on puisse appeler cette activité d’ascète une profession, les scrutateurs passent donc leur vie à tenter de maîtriser l’immaîtrisable.
Nous l’avons dit, les scrutateurs sont peu nombreux. Généralement un ou deux par spécialité et par galaxie. Plus rares encore sont ceux avec lesquels il est possible de communiquer. Pour certains c’est un peu comme parler à la matière qu’ils étudient. Et imaginer pour les scrutateurs du Compensum… D’ailleurs ces derniers abandonnent souvent leur enveloppe charnelle pour s’approprier, pour s’approcher plus encore du sujet de leur étude.
Acquisition des savoirs
Un citoyen peut accéder à tous les savoirs des Liants supérieurs. Leur acquisition se fait par grappe. L’insémination de connaissances, métiers, habilités se fait en seconde voix. Ces acquis sont regroupés en ensembles qui peuvent être installés dans le Complexe C de l’apprenant. Libre au possesseur de ces nouveaux savoirs d’en développer un en particulier par la suite s’il le souhaite. Prenons un exemple. Ama Da Pouïi d’alias Chambre Soliloque doit, pour sa prochaine mission au service de l’Abram, maîtriser l’art du commerce. Elle se fait inculquer la compétence Eloquanké qui regroupe les compétences suivantes : marchander, convaincre, séduire, se renseigner, estimer, marché. Pour l’instant elle active marché dont elle a immédiatement besoin. Par la suite elle troquera marché avec séduire qui lui sera plus utile.