Le promeneur

Kando Dénomé
Kando et Anaë (illustration MidJourney)

Une histoire dans l’univers des Traceurs et plus particulièrement dans la galaxie de l’un d’eux : l’Abram Onéguïne.

Le nom du personnage : Kando Dénomé d’alias Homme d’Intelligence.

Sa compagne Intelligence : Anaë Lébè d’alias Perce Détail

Il fut un des premiers colons réveillés par l’Abram. Si l’on connaît un peu le fonctionnement des Traceurs, on sait qu’ils emportent au sein de leur Pater des citoyens volontaires. L’Abram avait embarqué trois mille trois cent trente-trois Bios de toutes origines et de toutes races. Il était allé les chercher aux quatre coins du vieil empire, les avait invités à son bord ou était allé les voir là où ils habitaient, quel que soit l’endroit même le plus improbable où ils se trouvaient. Il avait longuement discuté avec chacun d’entre eux pour finalement les convaincre de tenter l’aventure. Souvent d’ailleurs, ce sont eux, ces colons de la première heure, qui émettent le souhait de rejoindre tel ou tel Traceur. L’Abram avait étudié chacune des demandes qu’il avait reçues, s’était à chaque fois entretenu avec le candidat à son aventure, acceptant ou refusant la demande en fonction de critères bien précis et surtout de son intuition. Avec trois millions d’Intelligences en plus à son bord ces colons de la première heure constituent la base de la civilisation du Traceur.

Le promeneur est un Migrant, l’un de ces premiers résidents originaires de la Galaxie Impériale. Grand Architecte de la Conviction, il est un des rares Bio à poursuivre des travaux dans le domaine des Intelligences. Il n’y a plus guère d’humains capables, de nos jours, d’appréhender et encore moins de comprendre dans sa globalité les mécanismes profonds de la réalité de nos frères Métal.

Chapitre 1

Là où commence l’histoire

Je me promenais comme à mon habitude sur la coque de l’Abram, à l’ombre de la tour du Nid. J’étais accompagné de mon amie de toujours, l’Intelligence Anaë Lébè d’alias Perce Détail. Nous discutions du tournant que nous aurions aimé faire prendre à nos vies respectives. Je lui avouais être un peu las de mes responsabilités d’Asynchrone attachée au Servant Théologie et Détail aurait aimé quitter le Traceur pour visiter quelques-uns de ses Méridiens.

Nous parlions ainsi et les cycles passaient sans que nous en ayons conscience. Si bien que nous fûmes obligés de nous rendre compte, finalement, que nous étions bel et bien perdus.

La tour, alors que nous pensions être allés droit vers elle, ne nous semblait pas plus proche qu’auparavant. Se dressait maintenant devant nous une paroi d’une vingtaine de mètres. Nous étions encore à nous interroger sur les détours qui avaient bien pu nous mener jusque-là quand Anaë, dont la vue était tout naturellement bien meilleure que la mienne, me signala qu’un escalier permettait de passer l’obstacle, là, un peu plus loin, pour peu que l’on accepte d’escalader quelques anfractuosités.

La coque de l’Abram est rarement lisse. Partout le promeneur doit composer avec des reliefs, des murs, des constructions, des aménagements, des tubes, des crevasses, des puits, des tours, des antennes, des entrées et sorties donnant sur des sas fermés ou ouverts, des infrastructures parfois encore en cours de construction, des édifices à l’architecture insoupçonnée… Mais il y a aussi des territoires différents aux caractéristiques très particulières. Le Bouclier de La Pater en est un. Un immense désert de verre totalement lisse, sans aucune aspérité. La montagne d’Eris en est un autre. C’est une vraie montagne faîte de terre et de roche. Une copie dont l’original peut se trouver sur Makrel, la planète colonisée par Hom Sans Vue d’alias Vers Moi, un tech-tech résident de la première heure ayant très tôt créé une assemblée de bergers zoologues. Pour la petite histoire, ces spécialistes parcourent la galaxie à la recherche d’animaux domestiques pour en conserver des exemplaires sur l’Abram. Aidés de l’Arbre Chat, ils maintiennent sur la montagne Eris des biomes propices à la vie de ces animaux tout en prenant bien soin d’adopter eux-mêmes les modes de vies et les coutumes de leurs gardiens d’origine.

Je grimpais en haut du mur aidé d’Anaë pour qui l’exercice, malgré des disques AG d’un autre âge, ne posait que peu de difficultés. La montagne d’Eris m’apparut dans toute sa majesté et … Incongruité. Bien que sa base semblait faire corps avec la coque de l’Abram, rien aux alentours ne faisait écho à ce décor minéral. Qui diable avait eu cette étrange idée de planter une montagne là ? Et pourquoi ? Et comment ? Je n’étais bas à bord de l’Abram lorsque ce tour de passe-passe avait été réalisé. Je m’étais absenté pour l’un des rares voyages que j’organisais parfois dans le but de rendre visite à mon ami de toujours, l’Echalas Archonte Piovre Ismalaïs d’alias Rien Sinon Tout qui vivait alors sur la station du carrefour d’Ion. Et une fois revenu je ne m’étais guère intéressé à cette bizarrerie, fruit d’un énième excentrique comme ils en pullulent tant et tant sur les Traceurs de génération Solune.

Mais de me retrouver ainsi, face à ce colosse rocheux aux allures d’île perdue, à moitié plonger dans l’obscurité de l’aurore nette et artificielle de ce coin de l’Abram, me plongea dans un curieux désarroi mélancolique.

De la montagne surgissait la bouche colossale d’un évacuateur désaffecté. Culminant à plus de mille mètres d’altitude, il s’enfonçait de biais dans la coque du Traceur. Son ouverture dentelée, cerclée d’un treillis de tubes inextricables, de crémaillères démesurées, de créneaux édentés disparaissait sous une abondante végétation. Elle crachait toujours des tonnes d’eau qui retombaient en une chute vertigineuse. De nombreux oiseaux et mammifères volants tournoyaient autour de l’édifice, s’y engouffrant à la moindre alerte pour rejoindre leurs nids et leurs tanières construits bien à l’abri, à l’intérieur de la cavité sombre et sans fond.

Rien ne va comme nul ne le veut

Et c’est ainsi qu’il parvint au pied de l’Angle Mort.

Ce trou béant, ce gouffre de biais.

L’aiguille d’une profonde intraveineuse dans la coque du Traceur.

Une cicatrice, une plaie depuis longtemps mal cicatrisée.

Une marque laissée là pour exprimer sans détour la colère de celui qui l’a commis.

Une plongée dans l’organisme de l’Abram.

Une porte vers l’envers du décor.

Et cette porte est si grande que l’on craint en la contemplant que le sang du Traceur ne s’en écoule. Que son fluide ne s’échappe et se répande dans l’espace.

Il y’a une profonde indécence à pouvoir voir, à cette invitation à descendre, à cette possible aventure.

L’ascension

Je m’agrippe à des anfractuosités. La surface métallique est parsemée de petites cavités. De nombreuses tiges et rebords sont autant de prises qui m’aident dans mon ascension. Mais l’humidité et la végétation rendent ma progression hasardeuse.

Et bien sûre une fois arrivé au bord de l’évacuateur, il entreprend d’y entrer. Car rien, pense-t-il, à bord n’existe sans qu’il n’ait été voulu que cela soit. C’est sans doute pour cela que les résidents sont des êtres si courageux. Ils forment un peuple brave, imaginatif, certes retords mais aussi volontaire, perspicace, persévérants et heureux. Parce qu’ils sont utopistes, naïfs et immatures. Les impériaux ne les nomment pas enfants du Solune juste pour révérer le messie…

Alors il y va, il descend, lentement, s’assurant, s’encordant, il descend. Anaë est là. Elle éclaire les parois suintantes, elle fait fuir les prédateurs, taille des marches lorsqu’il n’y a plus d’appuis.

Et il poursuit son expédition. Très vite, il a été hypnotisé par son escalade, très vite il a pensé qu’il venait de nulle part. Très vite il s’est dit qu’avant, il n’existait pas. Dès qu’il a touché la première pierre du gouffre en fait.

L’eau ruisselle abondamment. Ses prises ne sont plus aussi assurées. Devrait-il être ici ? Et le lien permanent avec le Traceur qui disparaît peu à peu.

La descente est si longue. Comment a-t-il fait pour arriver au sommet, à l’entrée du tube ? Plus de mille mètres d’altitude sans doute. Non, c’est vrai, il a emprunté un tunnel dont l’entrée, à peine dissimulée par un arbuste dont les racines noires s’enfonçaient dans le métal, partait à l’horizontal rejoindre l’intérieur du gouffre, à une trentaine de mètres à peine au-dessus de la coque.

Dans les récits l’aventurier est déjà à admirer l’objet du défi, l’énigme, même si elle est de papier mâché. Kando songe qu’il trouvera la paix, là-bas, au fond, dans la chaleur des entrailles du Traceur. Son esprit se distend, son Complexe C perd de son rythme. Staccato, staccato.

Il y a de longs escaliers en colimaçon, des passerelles métalliques tordues dont les rambardes ont depuis longtemps disparu, des échelles accrochées à des cheminées fondues aux parois, des chemins entretenus par des animaux au travers d’une végétation dense, épineuse, vénéneuse. Cela fait depuis bien longtemps qu’il n’a été aussi fatigué. Il fait une halte, s’adosse à un arbre à l’abondante frondaison et s’endort.

Il se réveille face contre terre, un centipède charnus à la recherche de chaleur lové au creux de son cou. Il bondit sur ses pieds et chasse frénétiquement l’insecte qui disparaît en sinuant dans la mousse couleur rouille qui forme un épais tapis spongieux. Il se masse le visage pour finir de se réveiller et découvre avec surprise la naissance d’une barbe rêche. La panique l’envahit aussitôt. L’apparition de ces poils est la marque certaine de la disparition du contrôle hormonal de sa Sonde Farmer. Il n’est plus sous protection médicale. L’agent local de la Sonde doit être isolé de sa Régente et ne plus pouvoir effectuer que les soins de base. Dans un environnement aussi hostile cela l’expose à un véritable danger. C’est d’autant plus hasardeux que cette impossibilité de communiquer à laquelle semble être confrontée sa Sonde Farmer peu très bien vouloir dire qu’il n’est plus en mesure, s’il meurt, de déclencher d’Alerte Résurrection. Bien sûr sa disparition prolongée finirait par inquiéter le Traceur. Peut-être même ce dernier était-il déjà à sa recherche. L’Intelligence de sa Sonde Farmer ne tarderait pas à être contactée. Et après un délai de sécurité on procéderait à une résurrection forcée. Mais qu’adviendrait-il de lui durant tout ce temps. Et s’il s’en tirait après que son Complexe C ait donné naissance à une nouvelle conscience, son retour au sein de la Toile serait sanctionné par une terminaison de l’un de ses C. Aucune de ces perspectives n’était réjouissante.

Il pense alors à Perce Détail. Il se dit qu’il n’est pas seul, qu’il est stupide de paniquer ainsi, qu’avec l’aide de son amie il a toutes les chances de s’en sortir indemne. Il sourit en pensant aux quolibets qu’il ne manquera pas d’essuyer à son retour, quand il narrera à ses proches ses péripéties d’apprenti explorateur.

Et son sourire s’efface lentement de son visage.

Il cherche partout du regard Perce Détail et ne la voit nulle part. Elle a disparu.

Il lève les yeux, perçoit la lueur lointaine de l’entrée du gouffre. Il songe qu’il doit faire marche arrière, remonter, en finir avec cette farce qui n’a que trop duré. Mais dans un même temps sa faiblesse évidente pique sa fierté. Est-ce tout ce qu’un Migrant de Traceur parti conquérir les étoiles dans une galaxie lointaine est capable de faire. Il est arrivé si vite au bout de ses limites.

– Sans l’Abram je ne suis rien songe-t-il. Et puis remonter pour retrouver quoi ? Que ferai-je une fois ressorti… Pour autant que je finisse par m’en sortir. Reprendre mon existence, celle-là même qui m’a mené dans ce trou ?

Il secoue la tête, pris de vertiges, déstabilisé par ses propres pensées.

– D’où me viennent ces idées ? Ces réflexions semblent m’être dictées. Je pense par anticipation, je formule des hypothèses avant que les éléments qui les expliqueraient apparaissent.

Ses pensées vagabondent. Il se dit qu’il n’est pas si vieux, 633 cycles complets, 34 remaniements. Et pourtant il se sent plus déprimé qu’un aïeul six fois millénaire. Une résolution peu à peu s’impose à lui. Une sourde certitude, une volonté mélancolique au goût amère. Il détourne le regard du sommet pour s’intéresser de nouveau au fond de la cheminée. Et il lui semble plonger en lui-même et tenter de sonder son âme.

Alors il reprend sa descente. Péniblement, dans une semi-obscurité il tâtonne, glisse, manque de chuter à plusieurs reprises. Ses vêtements déchirés lui collent à la peau. Son pied dérape, il s’agrippe à une barre tordue qui dépasse du muret s’enfonce une longue écharde métallique dans la main qui se met aussitôt à saigner abondamment. Il regarde affolé le flot rouge carmin s’écouler par saccade de la longue entaille qui lui balafre toute la paume. Sa tête lui tourne, sa vision s’obscurcit. Il chancelle, ses jambes se dérobent et il tombe, passant par-dessus la rambarde de la passerelle branlante sur laquelle il se tenait. Il distingue à peine les lueurs des veilleuses disséminées çà et là tourbillonner tout autour de lui de plus en plus vite. L’instant se prolonge dans un pur silence, glaçant… Mortel. Un premier choc lui brise l’avant-bras droit, un second le prend dans le dos au niveau des reins, sa colonne craque, ses poumons se vident. Un épais feuillage lui lacère le visage. Mais sa chute ralentie. Trois quatre autres branches finissent de le rouer de coups mais finalement le freinent suffisamment pour qu’il atteigne le sol avec une vitesse qui ne lui est pas fatale. Il gît là, sur le sable, à l’orée d’une forêt bordant une longue plage baignée de la douce clarté du jour déclinant.

Aurore et aube ne sont point crépusculaires

Chapitre 2

La plage

Un crabe à trois pattes et autant d’antennes oculaires s’arrête à quelques centimètres de son visage. Pinces levées (trois également) il reste là, figé, dans l’expectative. Kando grogne, bouge un peu et crie de douleur. Il porte sa main valide à son bras cassé et sent la bosse pointue de son os brisé qui distend sa peau. Un haut-le-cœur le fait hoqueter et il se retient de vomir. Il se sent sale et poisseux, du sable lui colle à la peau, du sang séché macule tous ses vêtements. Sa min coupée est engourdie et son bras ne cesse de le lancer violemment, il grimace au moindre mouvement.

Comme il regrette son audace. Quelle idée a bien pu lui traverser l’esprit… Une idée. Il en avait bien eu une qui avait précédé tout ce déplorable enchaînement d’événements absurdes et incompréhensibles. Il se souvient de cette discussion qu’il a eu avec Perce Détail sur son envie de changer d’existence, de s’éloigner de cette vie si bien réglée, si bien protégée. Se pourrait-il que l’Abram l’ait entendu et pris au mot, qu’il ait décidé de lui donner … Un petit coup de pouce. L’idée était saugrenue, jamais le Traceur ne s’immiscerait ainsi dans l’histoire d’un résident. Et pourtant, il ne parvenait pas à se sortir ce scénario de la tête. L’autre possibilité était que la bouche géante dans laquelle il s’était précipité était une zone grise, un espace oublié du Traceur dont il avait perdu le contrôle au fils des cycles longs de son développement infini. Mais jamais Kando n’avait entendu parler d’une zone grise si étendue. Et encore moins était-il fait mention de lieux quels qu’ils soient où la Sonde Farmer ne pouvait fonctionner. Il secoue la tête. Il ne servait à rien de ruminer cette idée terrifiante. Il avait eu une chance inouïe de survivre à sa chute, il devait se secouer, agir, regagner le bord du Traceur normalement contrôlé par ce dernier. Il ferait des recherches pour éclaircir ce mystère et ne manquerait pas de donner une conférence à ce sujet à l’assemblée permanente une fois tiré d’affaire.

Il se redresse, s’assoit. Son cœur bat la chamade, sa tête lui tourne mais sa vue brouillée s’éclaircit peu à peu. Et il reste figé, bouche bée, fixant béatement sa main droite restée valide. Sur le dos de celle-ci son étageur affiche le chiffre 3. L’inscription brille d’une pâle lueur bleutée. S’il en croit cette information il se trouve en espace simulé imbriqué. Plus exactement, il se trouve en Seconde Voix dans une simulation elle-même intégrée dans une simulation elle-même intégrée dans une simulation créée à partir du monde réel.

Où l’on en sait un peu plus sur Kando

Kando n’est pas d’alias Homme d’Intelligence pour rien. À sa naissance biologique, dans un bulbe d’Arbre Chat Mater on a trouvé avec lui, agrippée à la base de son coup, une chrysalide d’Omotopia.

L’Omotopia est un parasite des Arbres Chat. Il est très difficile pour les prêtres jardiniers du Bio qui soignent les arbres Chat de détecter une infection d’Omotopia.

L’Omotopia a la faculté d’émettre une vibration chromosomique calquée sur la fréquence algorithmique de son hôte. Il est ainsi indétectable tant qu’il reste à l’état d’œuf. À ce stade l’Omotopia est inoffensif. Lorsqu’il se développe et passe au stade larvaire ses facultés de dissimulation sont mises à mal, l’Arbre Chat détecte l’intrus et lutte activement pour l’éradiquer. La défense la plus efficace que l’Arbre Chat peut mettre en place est l’emprisonnement du parasite dans un écho d’isolement. Par des flux maîtrisés de sève l’Arbre achemine l’Omotopia à la surface de l’une de ses branches et l’enferme dans un fruit qu’il momifie ensuite pour garder captif le parasite tout en maintenant active la cuticule de normalisation des capacités d’effondrement de son résident indésirable. Peu à peu, en enfonçant des radicules neutres il parvient à démanteler l’écheveau des intrications temporelles, dernières défenses du parasite. Il est à noter par ailleurs, détail incroyable s’il en est, que certains de ces fruits peuvent germer et donner des fleurs luminiques. Mais nous reviendrons sur ce sujet plus tard, si le temps nous le permet. C’est lorsque les fruits prisons apparaissent que les jardiniers du Chat savent qu’une infection est en cours. Ils peuvent alors aider l’Arbre dans sa lutte par des mantras de stabilisation des ondes de conviction qu’ils déclament sans fin en les accompagnant de mélopées algo-végétatives.

Mais ces derniers cycles certains botanistes Teckoflore de la pensée DenTek avancent qu’une souche d’Omotopia aurait muté vers une génération du parasite bien plus agressive. Bien que les études sur le sujet n’aient pas encore été finalisées et qu’elles soient par ailleurs sujettes à polémiques elles expliquent notamment que le parasite à l’état larvaire se serait doté d’une capacité de téléportation lente. On a pu effectivement observer qu’une fois enfermé dans un fruit prison et avant que le processus de momification ne l’atteigne il pouvait dans certains cas très rares se décomposer. On entend par se décomposer, faire disparaître ses cellules les unes après les autres. Pendant ce processus plutôt lent (une trentaine de cycles environ) la larve s’enkyste dans une membrane de non-temps, suspendant jusqu’à sa réalité en espace normal. Et en un autre point de l’organisme Chat les cellules réapparaissent, au même rythme, elles-mêmes protégées des contraintes de normalisation du temps. C’est une course contre la montre. Le parasite doit absolument se soustraire à son confinement avant que l’un de ses organes vitaux ne soit touché par la momification qui le gagne inexorablement. Il est à noter que ce processus peut générer des téléportations d’Omotopia viable mais perverti, le parasite n’ayant pas réussi à se téléporter entièrement.

C’est sans doute ce qui s’est produit lors de la gestation de Kando. Et la larve d’Omotopia s’est téléportée en partie dans l’œuf en cours de développement. Il s’est recréé en accompagnant la multiplication cellulaire de l’embryon pour finalement se fixer à la base du coup de l’enfant arrivé à terme. Il n’était pas complètement téléporté lorsque la naissance du bébé l’a tué. Il a alors certainement fait une dernière tentative pour survivre, il s’est fondu dans son nouvel hôte, libérant ses cellules d’insémination de son ADN porteur de son onde de conviction. Il est certain que le complexe C de Kando en a été impacté. Mais dans quelle mesure personne n’en est encore certain.

Ce qui est certain c’est que Kando est doté, plus que n’importe quel Bio de ma connaissance, d’une empathie profonde envers les Intelligences qui l’ont toujours accueilli avec la plus grande bienveillance.

C’est ainsi que, tout naturellement, Kando en est venu à assurer des missions de médiation entre Bio et Métal. Il est rare qu’un conflit entre les Intelligence et les Bio ne se résolve de lui-même tant nos sœurs Métal sont expertes à comprendre la nature des vivants et à trouver seules les meilleures solutions.

Mais parfois, on le sait, l’Intelligence est motivée par une ambition qui la tenaille et l’humain, surtout, est sourd à la logique et aveugle au discernement, aussi sage soit-il ?

Et cette affinité avec les Intelligences n’était pas juste une affaire d’empathie. Lorsque Kendo se trouve à proximité d’une intelligence il lui semble que son complexe C mutant communique directement avec l’Algorithme de Conviction par la création d’un pont d’harmonie qui, lorsqu’il est totalement accepté par les deux parties, s’approche d’une union vibratoire comme le pratique les Intelligences souhaitant fusionner leurs algorithmes au sein d’une même vase.

Certes Kando ne peut sceller définitivement son complexe C aux oscillations du code d’un Létal mais tant que ce pont existe, il peut se faire la plus humaine des traductions de l’âme d’une Intelligence. Bien sûr, l’école de Troie s’intéresse de près à cette particularité, ce don que possède Kando. Ce dernier rend régulièrement visite à Chasson NiY d’alias Pas De Calme Ici, docteur de l’Enchevêtrement de la Pensée Métal Total. Chasson souhaite comprendre les mécanismes et les implications de cette étrange capacité que Kando a pu développer à la suite de l’infection par le parasite Omotopia. Il n’envisage pas encore d’expérimentation visant à reproduire le phénomène mais gageons qu’il ne résistera pas longtemps à la tentation.

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